L'expérience que j'ai vécue avec mes travaux m'a beaucoup appris sur la façon dont on pouvait manipuler les gens. Quelques mois après, je me demande comment j'ai pu marcher dans de telles combines. Et pourtant, sur le moment il ne m'est pas venu à l'esprit que je me faisais manipuler. Pour ceux qui ne l'ont pas encore fait, je vous conseille de lire le récit de ma mésaventure, ceci vous aidera à mieux comprendre ce qui suit.
Les deux excuses les plus incroyables (incroyable : que l'on ne peut pas croire... et pourtant !) sont :
- Pour justifier un retard important à un rendez-vous :
"Je suis resté coincé dans un ascenseur pendant 1 heure, mon téléphone ne captait pas, je ne pouvais pas vous prévenir."
- Pour justifier le fait que le carrelage n'est pas encore livré (il y a eu beaucoup de neige en janvier 2010) :
"Votre carrelage vient d'Italie, et la livraison a pris du retard a cause de la neige." (Eh oui ! Si vous cherchez une excuse, écoutez la radio. Surtout en ce moment, je suis certain que les manifestations, les grèves et le manque de carburant vous donneront pléthore d'excuses. Si vos ouvriers sont Roumains, il peut aussi y avoir quelques opportunités d'excuses.)
Il y a aussi les excuses ping-pong :
"Bob devait vous livrer le carrelage. Il ne l'a pas fait ? Je l'appelle tout de suite". On ne sait jamais ce que Bob et Tassin se disent en réalité, mais le ping-pong peut durer des semaines.
"Bob devait venir avec le camion, mais finalement, il est venu en voiture. Nous n'avons pu prendre qu'un quart du carrelage car c'est trop lourd."
Une variante de l'excuse ping-pong, c'est l'excuse "billard" (à multiples rebonds) :
Charles Tassin : "J'ai expliqué à Bob ce que vous vouliez."
(Si vous avez lu mes précédents billets, vous connaissez maintenant bien Charles Tassin gérant de la société Paint and Co qui a commencé les travaux chez moi, et Bob son sous-traitant, gérant de la société JL Décoration)
Bob : "J'ai expliqué à Piotr ce que Charles m'a expliqué."
Etc... le résultat est rarement ce qui était attendu étant donné que tous ceux qui ont "expliqué" ne sont pas présents sur le chantier lorsque les ouvriers le font. C'est un peu le jeu du téléphone arabe.
Pour justifier que personne ne travaille sur le chantier :
"Les ouvriers polonais sont repartis une semaine dans leur famille."
"Ils finissent un autre chantier."
"Il faut que ça sèche avant de continuer."
Plus complexe : "Je ne peux pas vous mettre un peintre tant que je n'ai pas le carrelage, car je préfère mettre toute l'équipe ensemble, ça avance plus vite.". Il est complètement vain d'essayer d'expliquer que sans personne, ça n'avance pas du tout, et que pas du tout, c'est moins vite que s'il y avait au moins un peintre.
Pour éviter un coup de fil, il y a plusieurs techniques. Si votre interlocuteur est tenace, aucune d'entre elle ne vous permettra d'éviter le problème sur le long terme, mais elles vous feront gagner plusieurs jours, voire des semaines.
D'abord, vous écoutez, puis vous répondez "Je dois réfléchir, je vous rappelle demain après-midi.". Ne dites jamais que vous rappellerez le jour même ou le lendemain matin. Essayez de gagner au moins 24h.
Vous n'avez pas rappelé, donc votre interlocuteur vous rappelle... Répondez quelque chose du genre "Je suis en ligne, je vous rappelle dans 5 minutes.", ou "Je suis au volant...". Bien sur, ne rappelez pas.
Votre interlocuteur, s'il est tenace (c'est mon cas) tentera de vous rappeler quelques heures plus tard. Au bout d'un moment, si vous voyez son nom s'afficher sur votre téléphone, laissez-le déposer quelques messages sur votre répondeur. Vous pouvez de temps en temps lui mettre un SMS du genre "J'ai bien eu votre message, et je m'occupe de votre problème. Je vous rappelle demain après-midi sans faute.".
Avec tout ça, vous avez déjà gagné au moins une semaine sans problème.
A partir d'un certain nombre d'appels infructueux, votre interlocuteur risque de commencer à masquer son numéro, ou d'appeler du bureau pour fausser les pistes. Il se peut que vous soyez obligé de décrocher, ne sachant pas qui appelle (on ne sait jamais, c'est peut-être un nouveau pigeon). Dans ce cas, trouvez un tiers qui pourrait porter le chapeau : "J'allais justement vous appeler, je suis en route pour aller voir Bob et décider ce que nous allons faire. J'arrive dans 5 minutes et je vous rappelle quand je suis avec lui."
Une ou deux heures plus tard, comme vous n'avez pas rappelé, votre interlocuteur vous rappelle (il s'accroche !!). Rejetez alors la faute sur Bob : "Bob a eu un empêchement et il n'a pas pu venir.". Ou encore : "Bob ne vous a pas appelé ? Il m'a dit qu'il vous appellerai pour régler le problème.".
L'idéal, c'est que Bob soit de mèche avec vous (mais ce n'est pas indispensable). Lorsque votre interlocuteur crédule l'appellera, il jouera le même genre de jeu, et on rentre dans le ping-pong. Si Bob n'est pas de mèche avec vous, dites bien à votre interlocuteur : "Surtout, ne l'appelez pas, laissez-moi régler le problème avec lui car il paraissait un peu fâché.". Vous pouvez même dire qu'il a un comportement bizarre en ce moment, Bob, car il a des gros soucis... vous ne devriez pas en parler, mais il faut le comprendre et éviter de le brusquer.
Ça peut durer facilement un mois voire plus. Ce qui est particulièrement éprouvant lorsque vous êtes à la place du client qui attend que son chantier redémarre, c'est que chaque jour vous pensez que la situation va se débloquer, vous attendez toujours le lendemain pour agir, et chaque jour, vous êtes déçu. Au bout d'un mois, vous vous rendez compte que rien n'a bougé et que vous auriez dû agir dès le premier jour.
Bien sur, chacune de ces excuses prise individuellement est crédible, même si certaines sont un peu exagérées. Ce n'est qu'en mettant tous ces éléments cote à cote qu'on découvre que ça n'avait aucun sens.
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