mardi 19 octobre 2010

Trouvez les bonnes excuses

L'expérience que j'ai vécue avec mes travaux m'a beaucoup appris sur la façon dont on pouvait manipuler les gens. Quelques mois après, je me demande comment j'ai pu marcher dans de telles combines. Et pourtant, sur le moment il ne m'est pas venu à l'esprit que je me faisais manipuler. Pour ceux qui ne l'ont pas encore fait, je vous conseille de lire le récit de ma mésaventure, ceci vous aidera à mieux comprendre ce qui suit.
Les deux excuses les plus incroyables (incroyable : que l'on ne peut pas croire... et pourtant !) sont :
- Pour justifier un retard important à un rendez-vous : 
"Je suis resté coincé dans un ascenseur pendant 1 heure, mon téléphone ne captait pas, je ne pouvais pas vous prévenir."
- Pour justifier le fait que le carrelage n'est pas encore livré (il y a eu beaucoup de neige en janvier 2010) :
"Votre carrelage vient d'Italie, et la livraison a pris du retard a cause de la neige." (Eh oui ! Si vous cherchez une excuse, écoutez la radio. Surtout en ce moment, je suis certain que les manifestations, les grèves et le manque de carburant vous donneront pléthore d'excuses. Si vos ouvriers sont Roumains, il peut aussi y avoir quelques opportunités d'excuses.)


Il y a aussi les excuses ping-pong :
"Bob devait vous livrer le carrelage. Il ne l'a pas fait ? Je l'appelle tout de suite". On ne sait jamais ce que Bob et Tassin se disent en réalité, mais le ping-pong peut durer des semaines.
"Bob devait venir avec le camion, mais finalement, il est venu en voiture. Nous n'avons pu prendre qu'un quart du carrelage car c'est trop lourd."
Une variante de l'excuse ping-pong, c'est l'excuse "billard" (à multiples rebonds) :
Charles Tassin : "J'ai expliqué à Bob ce que vous vouliez."
(Si vous avez lu mes précédents billets, vous connaissez maintenant bien Charles Tassin gérant de la société Paint and Co qui a commencé les travaux chez moi, et Bob son sous-traitant, gérant de la société JL Décoration)
Bob : "J'ai expliqué à Piotr ce que Charles m'a expliqué."
Etc... le résultat est rarement ce qui était attendu étant donné que tous ceux qui ont "expliqué" ne sont pas présents sur le chantier lorsque les ouvriers le font. C'est un peu le jeu du téléphone arabe.

Pour justifier que personne ne travaille sur le chantier :
"Les ouvriers polonais sont repartis une semaine dans leur famille."
"Ils finissent un autre chantier."
"Il faut que ça sèche avant de continuer."
Plus complexe : "Je ne peux pas vous mettre un peintre tant que je n'ai pas le carrelage, car je préfère mettre toute l'équipe ensemble, ça avance plus vite.". Il est complètement vain d'essayer d'expliquer que sans personne, ça n'avance pas du tout, et que pas du tout, c'est moins vite que s'il y avait au moins un peintre.

Pour éviter un coup de fil, il y a plusieurs techniques. Si votre interlocuteur est tenace, aucune d'entre elle ne vous permettra d'éviter le problème sur le long terme, mais elles vous feront gagner plusieurs jours, voire des semaines.
D'abord, vous écoutez, puis vous répondez "Je dois réfléchir, je vous rappelle demain après-midi.". Ne dites jamais que vous rappellerez le jour même ou le lendemain matin. Essayez de gagner au moins 24h.
Vous n'avez pas rappelé, donc votre interlocuteur vous rappelle... Répondez quelque chose du genre "Je suis en ligne, je vous rappelle dans 5 minutes.", ou "Je suis au volant...". Bien sur, ne rappelez pas.
Votre interlocuteur, s'il est tenace (c'est mon cas) tentera de vous rappeler quelques heures plus tard. Au bout d'un moment, si vous voyez son nom s'afficher sur votre téléphone, laissez-le déposer quelques messages sur votre répondeur. Vous pouvez de temps en temps lui mettre un SMS du genre "J'ai bien eu votre message, et je m'occupe de votre problème. Je vous rappelle demain après-midi sans faute.".
Avec tout ça, vous avez déjà gagné au moins une semaine sans problème.
A partir d'un certain nombre d'appels infructueux, votre interlocuteur risque de commencer à masquer son numéro, ou d'appeler du bureau pour fausser les pistes. Il se peut que vous soyez obligé de décrocher, ne sachant pas qui appelle (on ne sait jamais, c'est peut-être un nouveau pigeon). Dans ce cas, trouvez un tiers qui pourrait porter le chapeau : "J'allais justement vous appeler, je suis en route pour aller voir Bob et décider ce que nous allons faire. J'arrive dans 5 minutes et je vous rappelle quand je suis avec lui."
Une ou deux heures plus tard, comme vous n'avez pas rappelé, votre interlocuteur vous rappelle (il s'accroche !!). Rejetez alors la faute sur Bob : "Bob a eu un empêchement et il n'a pas pu venir.". Ou encore : "Bob ne vous a pas appelé ? Il m'a dit qu'il vous appellerai pour régler le problème.".
L'idéal, c'est que Bob soit de mèche avec vous (mais ce n'est pas indispensable). Lorsque votre interlocuteur crédule l'appellera, il jouera le même genre de jeu, et on rentre dans le ping-pong. Si Bob n'est pas de mèche avec vous, dites bien à votre interlocuteur : "Surtout, ne l'appelez pas, laissez-moi régler le problème avec lui car il paraissait un peu fâché.". Vous pouvez même dire qu'il a un comportement bizarre en ce moment, Bob, car il a des gros soucis... vous ne devriez pas en parler, mais il faut le comprendre et éviter de le brusquer.
Ça peut durer facilement un mois voire plus. Ce qui est particulièrement éprouvant lorsque vous êtes à la place du client qui attend que son chantier redémarre, c'est que chaque jour vous pensez que la situation va se débloquer, vous attendez toujours le lendemain pour agir, et chaque jour, vous êtes déçu. Au bout d'un mois, vous vous rendez compte que rien n'a bougé et que vous auriez dû agir dès le premier jour.

Bien sur, chacune de ces excuses prise individuellement est crédible, même si certaines sont un peu exagérées. Ce n'est qu'en mettant tous ces éléments cote à cote qu'on découvre que ça n'avait aucun sens.

lundi 18 octobre 2010

Pourquoi l'escroquerie est-elle sans risque ?

Vous avez sans doute lu mon billet décrivant ce que m'a fait subir mon entrepreneur, M. Charles Tassin de la société Paint and Co. En résumé, il a commencé le chantier, encaissé plein d'acomptes pour des fournitures à livrer, ne les a jamais commandées, et quand je m'en suis rendu compte et que j'ai commencé à ne plus payer, il a quitté le chantier. Par la suite, il a tout fait pour gagner du temps avant que je ne l'attaque.
Personnellement, je qualifie cela d'escroquerie, car certains éléments me poussent à croire que c'était calculé dès le départ. J'y reviendrais.

Après avoir consulté pas mal de conseils (avocats, protection juridique, etc...) il apparaît que si on veut attaquer en justice, la procédure est relativement "standard". La procédure que je décris ici n'a pas vocation à être une recommandation. J'explique simplement ce qu'on m'a expliqué pour que vous compreniez l'impasse dans laquelle se trouvent les victimes comme moi.
1/ D'abord, faire deux ou trois mises en demeure par recommandé avec accusé de réception (RAR), à l'adresse de sa société, à son domicile, si vous connaissez son adresse, à sa femme si c'est elle la gérante, etc... Le gérant de Paint and Co a déménagé... qu'importe, j'ai retrouvé son adresse.
2/ Ensuite, demander une expertise judiciaire en référé. Côté délais, compter un mois pour obtenir une audience en référé (c'est ce qu'on appelle en justice une procédure "d'urgence"... un mois - mais ne critiquons pas notre système judiciaire qui se doit de défendre tout le monde afin de rendre une justice juste), et 6 à 12 mois pour l'expertise (voire 18 mois si vous faites construire un château). Côté coût, un avocat vous fera l'assignation et l'audience pour environ 1000 Euros (mais les tarifs sont très variables). Pour l'expertise, vous demandez au juge, mais c'est à vous d'avancer les fonds... compter plusieurs milliers d'euros.
3/ Une fois l'expertise terminée, vous pouvez reprendre les travaux avec une autre entreprise. Si vous le faites avant, pas d'expertise, et le juge risque de vous débouter, car il ne sait pas estimer l'avancement des travaux, et ne peut donc pas vous donner raison. Rappelons aussi que jusqu'à présent, votre entrepreneur n'a pas été condamné à payer un centime.
4/ Ensuite, vous pouvez attaquer "au fond". La procédure de référé ne s'est pas prononcée sur le fond du problème, maintenant que vous avez le rapport de l'expert judiciaire, vous pouvez solliciter une audience au tribunal civil. Repayer copain avocat, et re-délai.
Tout ceci devrait vous prendre 1 à 2 ans (dont la moitié où vos travaux ne sont pas terminés - en ce qui me concerne, mon appartement était inhabitable, ce qui occasionnait doubles frais), et vous coûter 5000 à 10000 Euros.
5/ En supposant que vous gagniez au fond, reste à faire payer l'entrepreneur. Il est probable que dans mon cas, il sera insolvable, car c'est une société minuscule (1 personne), ce qui le mettra probablement en faillite.

Et là, le sentiment de justice doit vous emplir de joie, car vous avez enfin rendu un service à la nation, vous avez enfin mis hors d'état de nuire un escroc. Qu'entends-je ? Vous auriez préféré récupérer votre argent ? Quel matérialistes vous faites-là !! La justice coûte cher, et elle est longue, mais... << je sèche... si vous savez compléter aidez-moi >>.

A toute cette démarche s'ajoute le fait que l'escroc avisé va tenter de gagner du temps. Il signe sans vergogne des accords qu'il n'a nullement l'intention de respecter (hop ! un mois de gagné). Il vous livre un tiers de votre carrelage (hop ! je vous redonne espoir pour deux semaines). Il vous fais venir un carreleur qui pose deux mètres carrés (hop ! c'est beau, non ?). Et si vous êtes assez naïfs (comme moi) pour marcher, ça peut durer 6 mois.
Avec du recul, j'aurais du faire dès le premier jour ce que je fais aujourd'hui, c'est à dire l'assigner au tribunal.

Donc pour répondre à la question posée dans le titre, je pense que beaucoup de gens n'auront pas la patience de patienter suffisamment longtemps pour que justice soit faite. Certains seront même contraints par le temps, soit parce qu'ils n'ont pas les moyens financiers d'assumer deux logements, soit parce qu'ils ont des contraintes familiales les obligeant à déménager. Donc ils finissent par faire les travaux avec une autre société, ce qui leur ferme la porte à tout procès.

En attendant que la justice rende justice, j'ai décidé de faire ce blog. Si je peux éviter à un ou deux pigeons de tomber dans le piège, je serai content.

mardi 5 octobre 2010

Protection juridique des assurances

Quand mes problèmes de travaux avec la société Paint and Co, représentée par Charles Tassin, ont commencés à être sérieux, j'ai eu l'idée d'éplucher quelques uns de mes contrats d'assurances pour y trouver une assistance juridique. Il se trouve que c'est sur l'assurance de mon scooter que j'ai trouvé la protection juridique.


Pour résumer ma situation, le chantier était bloqué, et mon appartement est inhabitable, ce qui devrait vous donner une idée de l'urgence.
1ère phase : Je leur ai téléphoné vers la mi-mars, une semaine après l'arrêt du chantier. On m'a d'abord dit d'appeler le bureau de Boulogne-Billancourt, car je suis sur le 92.
Ils n'avaient pas de rendez-vous disponible avant 1mois 1/2, et ils m'ont donc recommandé de les saisir par courrier pour gagner du temps, et que mon dossier serait traité dans la semaine... ce que j'ai fait aussitôt.2ème phase : J'ai rappelé une semaine plus tard, ils m'ont informé que mon dossier avait été transféré au bureau de Nanterre, car j'habite sur leur secteur (ils auraient pu me le dire plus tôt, nous aurions gagné une semaine)
Bureau de Nanterre injoignable certains jours. Pas d'horaires fixes, il faut ré-essayer.
3ème phase : J'ai enfin pu joindre le bureau de Nanterre qui m'informe qu'ils ont transféré mon dossier à Nancy (gloups !!), car c'est le centre de Nancy qui traite les dossiers ouverts par courrier.
Ils auraient pu me le dire plus tôt, nous aurions gagné une autre semaine... (c'est pratique le copier-coller)
4ème phase : J'ai joint le bureau de Nancy qui m'a dit qu'ils allaient regarder mon dossier. Une semaine après, j'ai reçu un courrier me demandant une attestation d'assurance prouvant que j'étais bien assuré chez eux (re-gloups !!).
Patient, j'obtempère sans faire d'histoire, et j'envoie aussitôt, par fax et par courrier l'attestation demandée.
5ème phase : Je rappelle la semaine suivante, ils viennent de recevoir mon attestation (pas de nouvelles du fax) et vont regarder mon dossier.6ème phase : Ils m'appellent début mai pour fixer un rdv avec un expert fin mai. Les 2 convocations envoyées courriers recommandés avec accusés de réception sont revenus, les boites aux lettres n'ont pas été trouvées par le facteur - pour un courrier, je veux bien, mais pour les deux, c'est bizarre, surtout en recommandé.
Au final, Charles Tassin, représentant de Paint and Co n'ayant pas reçu la convocation, il n'est pas venu, bien sur.
Après avoir fait le tour en 1/4 d'heure, l'expert a appelé Charles Tassin qui lui a promis qu'il reprendrait le chantier le lundi suivant, et blah et blah... Le rapport de l'expert tenait en deux pages : une page pour dire que l'appartement était inhabitable (sans aucune estimation, ni aucun relevés des travaux restant à faire), une deuxième page pour dire qu'une solution amiable avait été trouvée. (dis papa, comment on devient "expert" ? Ça a l'air cool comme métier).
7ème phase : Bien sur, rien ne se passe le lundi suivant, pas de nouvelles de Charles Tassin. Re-courrier à la protection juridique. Pendant ce temps, j'étais quand même allé faire un tour à l'adresse de la société Paint and Co, et j'ai effectivement constaté qu'il n'y avait plus de boite aux lettres pour cette société au 77 avenue Bosquet, 75007 Paris.
Par la suite, j'enverrai donc tous les courriers aux domiciles de M. et Mme Tassin. Ça tombe bien, puisque c'est d'ailleurs Mme Tassin qui est gérante de la société selon le Kbis.
8ème phase : Nous sommes début Août, et la protection juridique a fini par nommer un avocat pour aller au tribunal. Ils prennent en charge tous les frais d'avocat, et le coût de l'expert judiciaire. Ce qui se chiffre à plusieurs milliers d'euros au total, donc ça valait la peine d'attendre, mais j'ai quand même attendu 6 mois.
Nous sommes début octobre, et je n'ai toujours pas de nouvelles de l'avocat en question... on est pas sortis de l'auberge !!!